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Consultations psy : quid des remboursements ?

Historique, rappels et actualité sur la question du remboursement.

 

Avant la loi de 2016, les mutuelles remboursaient depuis quelques années déjà les consultations psychologiques. Le nombre des séances remboursées et le montant par séance variaient en fonction des mutuelles.

Ces remboursements rentraient dans le cadre de l’assurance COMPLEMENTAIRE qui permet aux mutuelles de rembourser des soins non nomenclaturés par l’INAMI avec une certaine marge de manoeuvre - pour l’instant du moins.
Dans la plupart des cas, les séances remboursées étaient celles prestées par des psychologues INSCRITS à la COMMISSION DES PSYCHOLOGUES.

Cependant, encore une fois grâce à une certaine indépendance dans la politique de remboursement des mutuelles, les patients de certains psychothérapeutes non-psychologues étaient également remboursés, notamment ceux des psychothérapeutes qui travaillaient en collaboration avec des médecins généralistes ou autres structures reconnues ; ou encore les patients de psychothérapeutes inscrits sur des listes propres aux mutuelles en fonction de critères décidés par les mutuelles elles-mêmes (c’était le cas d’une mutuelle en Flandre, qui avait constitué une liste de plusieurs centaines de psychothérapeutes dont les séances étaient remboursées, avec des plafonds assez élevés).

Autre point à noter : les psychiatres (médecins spécialisés en psychiatrie, les seuls qui peuvent prescrire des traitements médicamenteux parmi les professionnels « psys ») disposent d’un code INAMI « psychothérapie » qu’ils peuvent utiliser sur leur attestation de soins et qui donne droit au remboursement à leurs patients, pendant une durée illimitée. Et ce, qu’ils aient suivi une formation en psychothérapie en plus de leur formation en psychiatrie ou pas.

Difficile d’imaginer que cela puisse continuer de manière indéfinie, si l’on songe qu’à aucun moment les psychiatres ne sont nommés dans la nouvelle loi qui règle la psychothérapie.

Depuis le vote de la loi de 2016, la plupart des mutuelles ont changé de politique, poussées par les pouvoirs publics, et ne remboursent plus que les patients de psychologues inscrits à la Commission des Psychologues. Cela est affirmé noir sur blanc sur la plupart des brochures et des sites des mutuelles.

Pour l’instant donc, le nombre de professionnels dont les patients peuvent être remboursés a été restreint. On peut noter que les montants et le nombre de séances ont augmenté dans certains cas par rapport à avant 2016. C’est TOUJOURS LE SYSTÈME D’ASSURANCE COMPLEMENTAIRE qui entre en jeu.

Il arrive dans des cas isolés et exceptionnels, que certains psychothérapeutes non-psychologues obtiennent le remboursement en ajoutant au formulaire de remboursement de la mutuelle un document signé par un médecin généraliste ou en donnant d’autres « gages de sérieux », suivant le climat « anti-charlatans » renforcé par la loi. Il s’agit donc bien d’exceptions, au cas par cas, qui peuvent changer en fonction de beaucoup de critères, et seulement jusqu’à ce que…

Notons par ailleurs, qu’accepter de devoir donner des preuves du sérieux de sa pratique, notamment en passant par un médecin, implique d’être quelque part en accord avec la loi, ou en tout cas d’accepter de « jouer le jeu » pour des raisons qui varient d’un professionnel à l’autre. Ce qui n’est pas jugeable en soi. Ne soyons cependant pas dupes de ce à quoi nous jouons exactement.

« Je vais enfin rembourser les consultations psychologiques ! »

Avec cette annonce tonitruante de la Ministre de la Santé nous nous situons à un tout autre niveau.

Voici ce qui est prévu à partir du dernier trimestre 2018.
Soulignons en passant qu’il y a de nombreux éléments de la mise en place de ce système, qui ne sont pas définis actuellement. Ne soyez donc pas étonnés de ne pas tout comprendre à ce propos ou de ne pas disposer de tous les éléments. Nous n’avons pas plus de détails actuellement que ceux que nous allons exposer ci-dessous. Ce système sera assuré dans le cadre de l’assurance obligatoire.

Des conditions strictes, mais floues (la spécialité de « notre » Ministre, semble-t-il), doivent être respectés pour avoir accès au remboursement.
Si vous souffrez d’un « trouble modéré » (Définition ? Liste ? Précisions ? Références ?), ou si vous avez subi la perte d’un enfant (même catégorie qu’un trouble « modéré » ?) ou un traumatisme (idem que les deux remarques précédentes), vous pourrez aller chez un médecin généraliste qui remplira un formulaire (avec « diagnostic » ?) vous donnant accès au remboursement.
Dans les communications médiatiques autour du remboursement on parle, pour les troubles modérés, d’alcoolisme, de burn-out, de problèmes relationnels....

Vous devrez ensuite aller chez un psychologue clinicien de première ligne (donc, pas de nécessité de formation en psychothérapie pour gérer des traumatismes, apparemment) qui sera inscrit sur des listes reliées à des établissements hospitaliers. Listes qui seront établies par qui ? Comment ? Sur base de quels critères et conditions ?

La quote-part du patient sera alors de 11 euros par séance… Mais le tarif de la séance ne pourra dépasser les 45 euros. Et le tout n’est valable que pour 4 séances… Un prolongement pour quatre séances supplémentaires est possible (Via un deuxième passage par un médecin généraliste ? Un autre formulaire ? Un autre diagnostic ?).

Et puis…

Puis on ne sait pas, la « deuxième ligne » du nouveau système de soins n’a pas été encore budgétisée. Elle concernera probablement les professionnels autorisés à pratiquer la psychothérapie, mais de quelle manière elle sera mise en place ?

La deuxième ligne devrait concerner les personnes qui n’auraient pas pu tout régler en huit séances. Et sans doute ceux qui souffrent de troubles plus graves que les « modérés ».

Ce nouveau système de remboursement de « première ligne » S’AJOUTE à celui qui existe déjà via les assurances complémentaires…
Il est possible, voire probable, que le système de remboursement lié à l’assurance complémentaire disparaisse et qu’il ne reste que celui prévu par l’assurance obligatoire.

Qu’est-ce que ce nouveau système implique ? La convention avec un hôpital permettra probablement aux psychologues de ne pas devoir recevoir un numéro INAMI pour fonctionner avec le système de l’assurance obligatoire..

La paramédicalisation de nos professions et le système extrêmement contrôlant nous laissent songeurs, voir inquiets.

La FBP, l’association qui regroupe le plus grand nombre de psychologues en Belgique, et une des seules et rares à avoir été consultée par la Ministre De Block, a toujours appuyé la nouvelle loi et ses mesures, envers et contre tout. Aujourd’hui, la FBP se dit mécontente de ce nouveau système de remboursement, par l’intermédiaire de leur porte-parole, Mr Lowet.
Celui-ci dénonce entre autres le plafond tarifaire imposé aux psychologues et le risque de paramédicalisation de la profession.

Nous sommes très étonnés de son mécontentement : ces risques ont été maintes et maintes fois soulevés par des nombreuses associations de professionnels en désaccord avec la loi, dont notre collectif Alter-Psy. Le thème de la paramédicalisation de la profession de psychologue a fait partie de l’argumentaire d’au moins un recours auprès de la Cour Constitutionnelle et du Conseil d’Etat (celui de l’APPPsy, notamment).

Lorsque des nombreux professionnels, dont ceux de notre asbl, ont soutenu que la nouvelle loi était une porte grande ouverte à ces sortes de dérives (et d’autres à venir !), ils n’ont pas été entendus, ou pire, ont été accusés d’être des « empêcheurs de tourner en rond » ou de nourrir des idées « paranoïaques »…

Et voilà que nous y sommes…

La FBP semble seulement découvrir que le piège commence à se refermer sur la profession au nom de laquelle ils ont accepté toutes les conditions de la loi.
L’arroseur arrosé ?

Peut-être pourront-ils un jour exprimer qu’après tout nous avions bien anticipé les événements, que nous avions réfléchi un peu plus loin que le bout de notre nez et au-delà de nos intérêts corporatistes…
Nous aurions bien entendu préféré nous tromper.
D’autant plus que le pire reste à venir.

Pour information :
Dans la plupart des centres existants depuis quelques décennies (Services de Santé Mentale, Planning Familiaux, Maisons Médicales, Services Actifs en Toxicomanie… la liste n’est pas exhaustive), les consultations psychologiques sont moins chères que 11 euros, ou bien le prix peut être négocié en fonction de la situation de la personne. Certes, certains centres sont débordés ou saturés, ils suivent la triste trajectoire du milieu hospitalier actuel. Ils existent cependant et peut-être aurait-il fallu songer à leur attribuer des budgets supplémentaires pour absorber les demandes de plus en plus nombreuses qui leur sont adressées… On aurait pu, du moins, nommer cette option, l’envisager, expliquer pourquoi ce choix n’a pas été retenu… Mais non, il vaut mieux juste dire qu’ « actuellement trop de personnes attendent de longues années avant d’être prises en charge ». Affirmation, par ailleurs, exagérée et qui ne se base sur aucune donnée objective (alors que les chiffres et l’objectivité sont si chers à la Ministre !)

Enfin : un petit mot sur le premier « trajet de soins spécifiques » qui a été annoncé en mai 2018 et qui concerne le burn-out.
Il s’agit d’un projet pilote, basé, d’après la Ministre, sur un projet pilote concernant le mal au dos (hum hum). Il concernera entre 300 et 1000 personnes travaillant en milieu hospitalier ou bancaire. Encore une fois : passage chez un médecin généraliste qui donne accès au programme. Programme financé par l’agence fédérale des risques professionnels (Fedris). Il prévoit jusque 16 séances chez un psychologue clinicien, - si après ces 16 séances la personne ne peut reprendre son emploi, est envisagée une réorientation professionnelle en 2 séances (sic).

Encore une fois, nous pouvons interroger deux aspects de ce projet :

  • Pourquoi financer un programme qui ne résout pas les causes en amont ? Visiblement, les experts sont au courant des milieux les plus à risque… Pourquoi ne pas tenter de résoudre ce problème de société à la source ?
  • Qu’arrivera-t-il à ceux qui, une fois le programme terminé, ne se sentiraient toujours pas « mieux », ou pas assez pour « simplement » retourner travailler ?

Ce qui nous amène à questionner le but de ce genre de « solution » qui a des apparences de « bonne intention »… Prendre soin des citoyens ? Ou les remettre au travail le plus rapidement possible ? (« Allez, c’est fini ce mal au dos ? Au boulot alors ! »)

Derrière ces inquiétudes, pointe le bout du nez un nouveau concept : celui de "mauvais patient ».
Qui est-ce ? Celui qui ne « guérirait » pas après 2x4 séances, par exemple… Ou après avoir suivi le programme « burn-out »…
Quelle est la réponse proposée par la Ministère de la Santé à la souffrance (Qu’elle préfère appeler « maladie ») ?

Vous avez un problème ?
- Nous identifions ce problème (diagnostic du type de trouble).
- Nous vous donnons accès à des professionnels détenteurs des meilleurs techniques et méthodes scientifiquement testées et prouvées. Et de plus vous ne les payerez pas très cher.
- Vous êtes censés être guéris au bout du nombre de séances prévues.
- Si vous ne l’êtes pas, ce ne peut être que de votre faute : nous maîtrisons toutes les autres variantes du problème et ne vous donnons que le meilleur.
Si vous ne « guérissez » pas, vous êtes donc responsables de l’échec de la seule solution envisagée.

Quelles conséquences à ce nouveau statut de « mauvais patient » qui porte le poids de sa non-guérison ?

Il est plus que probable que de plus en plus de trajets de soins standardisés, tels que celui pour le burn-out, fassent leur apparition pour résoudre tous nos problèmes.
Médecin, diagnostic et orientation chez des professionnels prévus dans le programme, identifiés comme « spécialistes » ou « experts » de telle ou telle technique ou pathologie.
Tentant de trouver cela souhaitable, mais extrêmement dangereux.
Mais ceci est un autre sujet… à venir…

Alors ? Satisfaits ? Ou remboursés ?

Publié le 29/05/2018

Thème(s) : Législation